Voyage au Maroc : le calme après la tempête

On est de retour à Turin mais on est encore là, à écrire sur notre voyage au Maroc qui vient de se terminer après presque deux mois dans le pays. Ce fut un voyage étrange, comme on l'a répété d'innombrables fois, fait de grandes merveilles admirées mais aussi de beaucoup de nervosité.

Tout d'abord, on est parti avec la grippe, sans énergie et sans être prêt pour cela. On aurait bien reporté le départ mais déplacer le vol nous aurait coûté plus que le prix du billet lui-même, on a donc décidé de prendre l'avion quand même, emportant avec nous des tonnes de mouchoirs pour se moucher et se coucher à l'auberge une fois arrivé à Marrakech.

Un autre problème était qu’on bougeait trop : on a été dans de nombreux endroits différents, on a pris des bus, des trains et des taxis à profusion, on a dormi dans des dizaines d'endroits différents. Cette façon de voyager n'est plus pour nous. C'est merveilleux de pouvoir admirer tant de choses belles et différentes, mais maintenant on a envie et besoin de rester plus longtemps dans les lieux, de vivre un peu, de les respirer.

Mais la plus grande partie était notre manque d'harmonie avec ce pays. Le Maroc, comme tout endroit, a des aspects splendides et d'autres moins, mais la façon d'être dans un environnement dépend largement du caractère de chacun et du moment de la vie que l'on vit. Aujourd'hui, on ne peut pas se trouver bien dans un endroit où tant d'hommes vous interpellent ou commentent votre passage dans la rue.

On peut s'efforcer de trouver la paix, où qu’on soit, mais, en attendant, on accepte qu’on ne le puisse pas pour l'instant.

Bien sûr, il y a aussi beaucoup d'hommes gentils, respectueux et tout simplement accueillants, mais, surtout dans les villes, il y en a tout autant qui vous poursuivent pour vous vendre quelque chose, vous accompagner si vous vous perdez et vous demander ensuite de l'argent - c'est le résultat d'un tourisme pas très prudent et responsable - ainsi que pour vous draguer ou même simplement exprimer leur opinion sur le fait que vous devriez sourire davantage et ainsi de suite. Cela n'a rien à voir avec les niveaux de sécurité qu'une femme voyageant seule rencontre (rassurez-vous, c'est aussi sûr que n'importe quel autre pays) mais c'est ennuyeux. Certaines personnes n'en souffrent pas beaucoup, nous on devient folle avec ça. Ça nous épate littéralement et c'est ce qui s'est passé ici de nombreuses fois.

On a essayé de le jeter sur le culturel, en se rappelant que chaque culture est différente. On a parlé à des personnes qui vivent ici pour comprendre et en partie, on a compris, en partie, on est devenue encore plus furieuse face à une réalité où les femmes ne jouissent pas du tout de la même liberté que les hommes. La colère n'a cessé de croître et a commencé à s'étendre à des problèmes personnels qui se faisaient souffrir ces derniers temps, mais qu’on essayait d'accepter à tout prix. On a commencé à détester notre présent de plus en plus. La colère était une marée noire en expansion dans notre mer intérieure. Et puis...

...alors, rien, on a accepté qu’on était en colère.

Et on l'était pour tant de raisons, personnelles et culturelles, et qui étaient simplement de sortir ici. "Bizarrement", dès qu’on a accepté ce qu’on ressentait, on a commencé à moins souffrir d'être au Maroc, à faire la paix avec lui. On a commencé à recadrer le voyage et à comprendre ce qu'il nous avait laissé dans cette tempête d'émotions.

Alors, dans le calme après la tempête, que peut-on dire qu’on a appris ?

On est pour les tarifs flexibles : on a toujours eu l'impression que les vols sont au mauvais moment, on veut rester plus longtemps ou, dans ce cas, moins longtemps, donc la prochaine fois on dépenserait un peu plus d'argent mais on se donne la chance de ne pas se forcer à faire ce dont on n'a pas envie.

Le prochain sera un voyage lent : on a fait cette expérience à d'autres occasions et on a toujours passé un bon moment, alors, à moins que ce ne soit un voyage court, on ne sera plus un touriste.

On doit accepter qu’on n’est pas bon partout : on n'a pas encore atteint l'illumination, il est donc inutile pour moi de penser qu’on peut aimer n'importe quel endroit et n'importe quelle situation. On ne le fait pas. Ce qu’on peut faire, c'est remettre en question nos réactions, regarder en soi. Et aussi essayer de comprendre ce qui nous entoure, en prenant le bon et en essayant de donner quelque chose de bon dont on puisse être le porteur, en se rappelant toutefois qu’on ne réussira pas toujours.

Si on réprime la colère, elle grandit au lieu de diminuer : cela ne signifie pas qu'il vaut mieux exploser et la jeter sur les autres, mais il est important de la regarder en face, de l'observer, de la ressentir afin de la comprendre, de la traiter et, enfin, de la laisser partir, au moins un peu, autant que possible.